Je n'ai pas hésité
avant de prendre la plume
et là, sur l'avenue,
de son tranchant
me suis désossé
le cœur.
Pourtant,
vous le savez,
il est bien plus facile
de confier ces petits animaux
aux bons soins
de l'équarrisseur,
d'enfouir les yeux dans ses poches
de peindre sur ses lèvres un sourire indolent
d'oublier tout à fait
qu'un jour
ils brillaient
dans notre poitrine
comme de si jolis
petits soleils
qu'on promenait, tout fier,
main dans la main
sur la grande avenue
de la ville.
Mais voyez-vous
j'étais curieux
de savoir jusqu'où la nuit s'étendait
de ce côté du monde
et d'un seul trait
je l'ai fendu en deux.
A l'intérieur
il n'y avait rien d'autre
qu'un moineau
aux ailes rompues
par
un café refroidi et des nuits chiffonnées et le miroir narquois
les larmes du matin le rire du cendrier et le vertige du vide
de toutes ces journées
qui me séparaient
maintenant
de toi.
Voilà comment
sans y prendre garde
prisonnière de sa cage
et de cet amour brisé
la vie
s'étiolait.
Tout l'été,
j'ai bercé l'oiseau,
du bout des lèvres
lui ai donné la becquée :
des brins de soleil
un souffle sur ma nuque
des soupirs d'oreiller
d'autres peaux
que la tienne.
A l'automne venu
j'ai ouvert les mains :
l'oiseau s'est envolé.
Je n'ai rien fait
pour le retenir.
Les oiseaux sont nés
pour le ciel
et nous autres
pour espérer.
Voilà pourquoi
vous me voyez
si souvent
perché aux arbres
dénudés
de l'avenue.
Vous, vous esquissez
un sourire un pas
de côté
le pauvre fou,
pensez-vous.
Mais je m'en moque
je reste là,
les yeux jetés au ciel
la poitrine béante
le corps écartelé
par l'attente.
Le pauvre fou,
pensez-vous
Mais je m'en moque
Vous ne savez rien
d'un cœur déserté
par les oiseaux