Aujourd'hui
Suspendu
Je ne sais pas de quoi sera fait demain.
Personne ne le sait.
Ce matin, j'ai cherché une réponse dans le vol des oiseaux qui filaient dans le ciel au-dessus du jardin.
En vain.
Les oiseaux ont mieux à faire que s'occuper des affaires des hommes.
Ils ont le ciel à habiter.
Des nids à tricoter.
Des mélodies à inventer.
Les oiseaux ont des rêves d'oiseaux.
Ce que j'ai vu là-haut,
ce n'était pas autre chose
que la vie.
La vie têtue, légère et impatiente,
folle et opiniâtre,
La vie qui traçait dans le ciel
des hiéroglyphes oubliés des humains.
Ici, c'est bientôt le printemps – même si les jours sont encore
couleur d'hiver.
Et ce matin, le vieux poirier du jardin
dépliait timidement quelques feuilles vert pâle.
Oh, ce n'est encore presque rien.
Une coquetterie de petite fille.
Le bout des ongles peints.
C'est sûrement la promesse des jours à venir
même si le poirier, lui, n'en sait rien.
Pas plus que moi, d'ailleurs.
Mais les mésanges s'en amusaient,
bondissant de branches en branches,
petit tourbillon de comètes colorées
Et au pied de l'arbre
un merle au bec doré,
tout habillé de noir,
se promenait avec des airs importants
comme un poète inspiré.
Un coup de vent,
le merle s'en est allé
en lâchant derrière lui
une petite fiente.
Sur l'herbe si verte
un petit trait de peinture tout blanc :
Un haïku
Qui a illuminé ma journée.
L'enfance
est pareille aux mésanges, aux merles, aux moineaux.
Folle, têtue, impatiente, elle a dans la tête
des chants, des battements d'ailes et le ciel tout entier
En grandissant, on déshabille les enfants des plumes et des cieux.
On leur dit que ce n'est pas bien sérieux.
On leur apprend à parler vite et fort.
A chanter d'autres chants que ceux qu'on accroche aux branches des poiriers.
A se parer de plumages tout faits.
A s'entraver la langue et les rêves et le cœur.
J'ai toujours pensé que c'était un tort.
Qu'on nous enfermait dans des costumes
bien trop étroits.
Pour pouvoir battre des ailes
déplier le ciel,
cueillir en dansant, l'aube, la mort, la nuit, la joie
et tout le jour,
au soleil têtu,
aller épingler nos cœurs
éclairs furieux
palpitants
de vie, d'amour et de sang,
Aujourd'hui, en regardant les oiseaux, c'était comme une évidence.
Nous n'avons pas de réponse.
Nous n'en avons jamais eu.
Malgré nos grands airs, nos froissements,
nos impatiences, nos tremblements
Nous ne savons pas
Nous n'avons jamais su
de quoi demain sera fait.
Aujourd'hui
suspendu
réjouis-toi
Du vol des oiseaux