18 mars 2020 3 18 /03 /mars /2020 13:41
CARNET SPIRALES #3 : Suspendu

 

Aujourd'hui

Suspendu

Je ne sais pas de quoi sera fait demain.

Personne ne le sait.

Ce matin, j'ai cherché une réponse dans le vol des oiseaux qui filaient dans le ciel au-dessus du jardin.

En vain.

Les oiseaux ont mieux à faire que s'occuper des affaires des hommes.

Ils ont le ciel à habiter.

Des nids à tricoter.

Des mélodies à inventer.

Les oiseaux ont des rêves d'oiseaux.
Ce que j'ai vu là-haut,
ce n'était pas autre chose
que la vie.
La vie têtue, légère et impatiente,
folle et opiniâtre,
La vie qui traçait dans le ciel
des hiéroglyphes oubliés des humains.

 

Ici, c'est bientôt le printemps – même si les jours sont encore
couleur d'hiver.
Et ce matin, le vieux poirier du jardin

dépliait timidement quelques feuilles vert pâle.

Oh, ce n'est encore presque rien.

Une coquetterie de petite fille.

Le bout des ongles peints.

C'est sûrement la promesse des jours à venir
même si le poirier, lui, n'en sait rien.

Pas plus que moi, d'ailleurs.

Mais les mésanges s'en amusaient,

bondissant de branches en branches,
petit tourbillon de comètes colorées

Et au pied de l'arbre

un merle au bec doré,
tout habillé de noir,
se promenait avec des airs importants

comme un poète inspiré.

Un coup de vent,

le merle s'en est allé

en lâchant derrière lui

une petite fiente.

Sur l'herbe si verte

un petit trait de peinture tout blanc :

Un haïku

Qui a illuminé ma journée.

 

L'enfance

est pareille aux mésanges, aux merles, aux moineaux.

Folle, têtue, impatiente, elle a dans la tête

des chants, des battements d'ailes et le ciel tout entier

En grandissant, on déshabille les enfants des plumes et des cieux.

On leur dit que ce n'est pas bien sérieux.

On leur apprend à parler vite et fort.

A chanter d'autres chants que ceux qu'on accroche aux branches des poiriers.

A se parer de plumages tout faits.

A s'entraver la langue et les rêves et le cœur.

J'ai toujours pensé que c'était un tort.
Qu'on nous enfermait dans des costumes

bien trop étroits.

Pour pouvoir battre des ailes

déplier le ciel,

cueillir en dansant, l'aube, la mort, la nuit, la joie

et tout le jour,

au soleil têtu,

aller épingler nos cœurs

éclairs furieux

palpitants

de vie, d'amour et de sang,

 

Aujourd'hui, en regardant les oiseaux, c'était comme une évidence.

Nous n'avons pas de réponse.

Nous n'en avons jamais eu.

Malgré nos grands airs, nos froissements,

nos impatiences, nos tremblements

Nous ne savons pas

Nous n'avons jamais su

de quoi demain sera fait.

Aujourd'hui

suspendu

réjouis-toi

Du vol des oiseaux

 

 

 

 

 

 

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