Au burin
elle brise
les sourires
qu'on brandissait
comme des drapeaux
sur les barricades
du petit jour.
A la masse,
elle fracasse
les nuits titubantes
Où on conspirait
près du feu
Contre la gravité
des nos paupières.
Au pied de biche
elle descelle
le premier baiser de nos lèvres
le café à la terrasse de l'aube
la balancelle du ciel
la grâce des oiseaux
la légèreté de nos pas
la montagne de l'automne
les fleurs des poèmes
la joie du vin
les chants de nos poitrines
et les rêves
de nos jours.
A la lame
elle cisaille
Les envols de nos mains
Le velours de ma langue
Les colchiques de tes seins
Et tous les mots d'amour
qu'on laissait voguer
dans l'onde de la baignoire
à cinq heures de l'après-midi.
Des bateaux de papier
qui faisaient de nous
des marins aux joues rosies
et qui sans peine
nous portaient
jusqu'au lendemain.
Il y a des jours,
sans éclats,
où la tristesse
nous fait miettes.
Et peaux mortes
dans l'eau du bain.
Mais je t'en fais la promesse :
bientôt
de mon visage
je chasserai la poussière,
sur tes yeux
je lécherai les cendres,
nous balaierons
ensemble
les gravats d'hier.
En dansant
sur les ruines
nous ferons sécession
de la peine et du chagrin.
Nous bâtirons
une maison sans murs, sans porte
et sans toiture
pour sur le lit
des rivières
laisser courir
et nos doigts et nos corps et le ciel.
Tu verras,
ensemble,
demain
nous remettrons
des chemins sous nos pieds
du feu dans nos poings
des baisers à nos lèvres
et la joie
à l'endroit du cœur.